La réforme actuellement au Sénat réduit rapidement les déficits : l'âge légal d'ouverture des droits sera relevé de quatre mois par an à partir de juillet 2011. Les mesures d'âge permettent l’essentiel des économies: 20 milliards d'euros par an à l'horizon de 2020. « C'est énorme », se félicitait le ministre du Travail. En comparaison l’impôt sur le revenu à rapporté environ 51.2 milliards nets en 2008
Qui fera cet effort énorme ?Le cadre entré dans la vie active à Bac+5, c'est-à-dire vers 23 ans et qui a eu une carrière sans encombre dans un grand groupe n’aura ses 42 annuités que vers 65 ans. Pour lui l’abandon de la retraite à 60 ans est sans effet, tout comme le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge d’annulation de la décote.
En revanche, près de 90% des salariés ayant liquidé leur retraite à 60 ans en 2009 avaient toutes leurs annuités. Ils ont donc commencé à cotiser tôt, pour 60 % avant 18 ans. Partant à la retraite à 62 ans ils cotiseraient davantage qu’un cadre. Reculer l’âge de départ à 62 ans c’est faire contribuer lourdement ouvriers et employés aux 20 milliards d’économies.
S’agissant des ouvriers on peut reprendre le terme de « double peine »* : ils cotiseront davantage, pour une espérance de vie plus courte et avec une période d’incapacité plus longue. Les cadres hommes de 35 ans ont une espérance de vie de 46 ans, dont une espérance de vie sans incapacité de 40 ans, les ouvriers de 35 ans ont une espérance de vie de 40 ans dont 32 sans incapacité (incapacité de type II). Schématiquement, les cadres de 35 ans peuvent s’attendre à vivre sans incapacité jusqu’à 75 ans, les ouvriers jusqu’à 67, et pourtant les ouvriers auront cotisé plus longtemps pour une retraite plus brève.
De la même manière, il faudrait éclairer la situation des femmes dont les carrières sont si fréquemment incomplètes. En 500 mots on ne fera pas une revue complète ni de la réforme ni des propositions alternatives.
Chrétiens laïcs, nous témoignons de notre foi dans nos activités quotidiennes, et si nous ne tenons pas la plume des amendements nous pouvons au moins nourrir le débat de questions et de convictions. On s’accordera facilement pour admettre notre responsabilité à l’égard des générations futures et sur la nécessité d’équilibrer les régimes de retraite. Cette vision comptable est légitime, mais à l’évidence elle a écrasé bien d’autres préoccupations tout aussi légitimes. Ainsi on pourrait aborder de façon plus équitable le rapport entre durée de cotisation et durée de vie à la retraite, prendre en compte la pénibilité et dangerosité du travail, réfléchir à l’adaptation du travail aux salariés les plus âgés. Il n’y a pas de réponse à l’emporte pièce à des questions si complexes. Il faudrait un débat dans le corps social. Le rôle du politique pourrait être d’en créer les conditions.
* La « double peine » des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte - BULLETIN MENSUEL D’INFORMATION DE L’INSTITUT NATIONAL D’ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES – janvier 2008.