Vendredi 20 juin 2008 Mt 6.19-23
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : »ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et la rouille les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où les mites et la rouille ne dévorent pas, où les voleurs ne percent pas les murs pour voler. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera plongé dans les ténèbres. Si donc, la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres y aura-t-il ! »
La vie, au sens le plus biologique du terme, est une magnifique parabole de la nécessité de l’échange, sous peine de mort par asphyxie ou inanition. Le cœur ne peut vivre que sans retenir le trésor du sang qui le traverse pour le bien de tout le corps.
Mais la peur, désorientation de l’instinct de vie, s’agrippant à tout ce qui passe, est mère de bien des infirmités : elle nous fait accumuler, passer devant les autres pour avoir notre part, enfermer nos réserves. Elle conduit le monde à des déséquilibres catastrophiques, dévoyant les magnifiques talents de l’homme dans le sens du profit plutôt que du partage. Dans la peur, tout meurt. Voilà la rouille intérieure qui nous ronge, l’acide qui perce silencieusement les blindages les plus imprenables.
Etudiant, j’avais comme voisine une nonagénaire qui se ravitaillait dans les poubelles des marchés. Nous l’aidions comme nous pouvions, jusqu’au jour où elle ne répondit plus. Elle venait de mourir sur un matelas de billets, de quoi tenir un siège de 20 ans. De nos jours l’occident réagit en château assiégé, protégeant son matelas derrière des barrières commerciales, légales, d’identité, arrachant aux « sans-papiers » jusqu’à leur dignité. Pourtant, nous savons combien on meurt dans le sud, et combien cette immigration-même peut nous aider, ne serait-ce qu’en payant nos retraites. Nous savons pertinemment que c’est le partage de nos richesses, même décapant, qui nous permettra de ne pas sombrer avec la cargaison trop lourde du rafiot climatisé et insonorisé dans lequel nous prenons du gîte. Un château assiégé finit toujours par tomber. Comme cette vieille dame sur son tas de billets.
Selon le type de lunettes que nous chausserons pour regarder le monde, nous serons confinés dans la peur, ou liés à cet élan où le Christ éclaire la lampe de notre corps d’une lumière où le don de soi est la seule joie de l’être. La manne du désert ne pouvait être maintenue d’un jour à l’autre sans se putréfier. Comme toute nourriture « vivante » si elle n’est « stérilisée ». A qui souhaiterait-on d’être stérile ? Chrétiens, nous sommes faits pour être consommés, et l’offrande du Christ au Jeudi Saint nous dit bien cette nécessité. « Faites cela en mémoire de moi » ne demande pas seulement de faire mémoire de son geste, mais de le faire nôtre.
Denis
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