L’actualité
nous propose souvent des horreurs tonitruantes et il est très rare d’y entendre
s’élever des petites musiques, de véritables brises légères et reposantes
au lieu du vacarme médiatique habituel.
Savourez donc l’histoire suivante qui vient de paraître dans La Croix (vendredi 13 juin) :
À côté de Sainte-Anne, la résidence des Pères Blancs de
Jérusalem, habite un coiffeur. Abou Ali est musulman pratiquant, père de six
enfants. Il y a deux ans, dans une période où la seconde Intifada (dite el
Aqsah ) provoquait violences et meurtres entre juifs et musulmans, il se
produisit un événement passé inaperçu et pourtant extraordinaire. Il impliquait
deux grands garçons d’Abou Ali et quelques jeunes juifs d’origine russe.
Les deux garçons musulmans, avant leur mariage, avaient
voulu aller faire la fête à Jaffa, au bord de la mer. Tandis qu’ils passaient
une soirée joyeuse entre amis sur la plage, soudain des cris s’élevèrent : « Au
secours ! au secours ! » De jeunes Israéliens, juifs d’origine russe, étaient
en train de se noyer, emportés par un mauvais courant. Le plus jeune des fils
d’Abou Ali, pourtant nageur moyen, se jette alors à l’eau sans hésiter. Il
ramène un premier jeune sur le rivage et retourne pour en secourir un second.
Mais il avait présumé de ses forces et se noie.
Ce fait divers a touché deux familles, que rien n’aurait dû rapprocher. Les parents de l’adolescent juif ne savaient pas comment remercier la famille du jeune Arabe. Ils proposent d’abord de la rencontrer chez elle. Mais le fameux mur construit autour de Jérusalem les empêche d’accéder au village arabe où vit Abou Ali avec sa famille.
Les Israéliens envisagent alors une autre solution : se
retrouver dans un restaurant de la Vieille Ville, accessible aux Israéliens et
aux Palestiniens. Ils tiennent à faire connaissance avec la famille de leur
sauveteur et à lui exprimer leur reconnaissance. Cette fois, c’est l’Arabe qui
refuse, disant qu’il ne veut pas que ces Israéliens, sans doute aussi pauvres
que lui, se ruinent dans de folles dépenses.
Le P. Thomas, qui me rapporte cette histoire restée
confidentielle, raconte la réaction étonnante du papa, musulman fataliste, assuré
que son fils a trouvé le bonheur au ciel.
« Vous savez, lui a dit Abou Ali, cela aurait été pire pour
moi si mon fils, entendant des appels au secours, n’avait rien fait pour empêcher
ce jeune de mourir. » L’actualité de la Terre sainte nous présente
régulièrement des faits divers où des juifs meurent sous les balles
palestiniennes, et des Palestiniens sous les missiles juifs. L’histoire du fils
arabe qui a sauvé un juif de la noyade et est mort pour avoir voulu en sauver
un second n’a pas fait l’actualité. Et pourtant cela pourrait préfigurer un
autre monde, que certains persistent à croire utopique.
Alain Marchadour, assomptionniste à Jérusalem
Tags : arabe, juif, paix, salut
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