Sœur Jeanne Marie, initiatrice du renouveau de l’abbaye de Boscodon, recevra le 16 juillet prochain, à Boscodon, des mains du Préfet, Jean-François Savy, les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur. Une façon de reconnaître le rôle prépondérant qu’elle a joué pour ce lieu de vie.
Des concours de circonstances
Qui est allé à l’abbaye de Boscodon a en général rencontré Sœur Jeanne Marie ! Cette religieuse dominicaine, Prieure du monastère de Chalais durant 6 ans, de 1968 à 1974, est à l’origine du renouveau de l’abbaye de Boscodon. Elle visite pour la première fois les lieux le 11 janvier 1972. Depuis 36 ans, elle œuvre pour la restauration des pierres mais également pour faire de ce monastère un lieu d’accueil et de prière ouvert à tous. Déjà Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres depuis 1988, Sœur Jeanne Marie reçoit le vendredi 21 mars 2008, le vendredi Saint, une lettre du Président Sarkozy lui annonçant sa nomination dans l’Ordre de la Légion d’Honneur. L’annonce dans le journal officiel se fait le jour de Pâques !
« C’est le Préfet, Jean-François Savy, qui en a fait la demande auprès du Ministère de l’Intérieur, m’explique Sœur Jeanne Marie. Michèle Alliot-Marie, par l’intermédiaire de Patrick Ollier, me connaît bien. Elle donne donc son accord. Mais tout cela n’est que l’accumulation de concours de circonstances. Ainsi le Préfet connaît-il bien Hubert Blanc, ancien Préfet des Hautes-Alpes à la fin des années 70. Ce dernier connaît Boscodon et l’engage à visiter les lieux. Il est venu me voir et a pris connaissance des travaux de rénovation. Hubert Blanc reviendra lui aussi et sera enthousiaste par ce qui a été accompli en 30 ans ! On recherche des femmes pour la parité… et on me propose pour la Légion d’Honneur, donnée pour récompenser des faits éminents. Mais seule je n’aurai rien fait ! Je ne suis que le porte fanion de l’abbaye. Ce n’est pas moi, la personne en elle-même qui reçoit cette distinction mais l’action qui a été réalisée ensemble, dans la confiance et l’amitié. »
« Ce n’est pas parce que c’est difficile que ce n’est pas possible ! »
Pour Sœur Jeanne Marie c’est la mise en commun des idées, parce que tout le monde a pu discuter ensemble, de l’architecte des Monuments de France aux maçons, que cette restauration a été possible. Bien sur il a fallu se battre, pour trouver les financements, contre une certaine inertie qui n’était pas remise en question… Mais pour elle ce n’est que l’histoire de la vie qui immuablement se poursuit. La vie évolue. Pour avancer il faut se remettre en question. Rien n’est jamais acquis une fois pour toute ! Il a fallu que chacun mette ses compétences au service du bien commun. « L’architecte des Monuments de France, Francesco Flavigny, notre architecte depuis 27 ans, a su réunir tout le monde autour de la table, affirme Sœur Jeanne Marie. Car il y a 36 ans personne ne connaissait rien à ce genre de restauration dans les Hautes-Alpes. On ne connaissait plus les matériaux et il n’y avait pas les compétences ! »
Arrivée du Massif de la Chartreuse, près de Grenoble, où se trouve son couvent, Sœur Jeanne Marie ne connaît Boscodon que par l’histoire. Son ordre restaure les églises chalaisiennes ; c’est ce qu’elle vient de faire, avec d’énormes soucis financiers, à Chalais. Le 22 janvier 1972 elle rencontre Mgr Coffy, alors évêque de Gap, qui pressent que le tourisme sera une véritable révolution culturelle. L’abbaye de Boscodon peut devenir le point d’orgue du tourisme cultuel de l’Embrunais. Elle rencontre la famille Broche, propriétaire de l’abbaye. Un compromis de vente est signé. L’aventure de Boscodon débute ! L’association des Amis de l’Abbaye de Boscodon est créée dans la foulée. Elle sera reconnue d’utilité publique en 1990. C’est l’ancien Préfet des Hautes-Alpes, Rémi Potra, alors Secrétaire à Matignon, qui aidera au montage du dossier ! Autre concours de circonstances….
« Il nous faudra 20 ans pour acheter les contours du cloître, se souvient Sœur Jeanne Marie. Tout était en indivision. Il faudra effectuer un véritable travail de recherche pour retrouver tous les propriétaires. Mais le plus beau dans cette aventure ce sont les rencontres humaines ! »
Au début, cette volonté de restauration pour faire de Boscodon « un lieu d’espérance et un lieu de source », selon les propres termes de Mgr Coffy, ne rentre dans aucune ligne budgétaire d’Etat. Voilà donc Sœur Jeanne Marie partie pour le Ministère de la Culture. Une rencontre qu’elle n’oublie pas ! La personne qui la reçoit, convaincu par ses propos du bien fondé de la restauration lui explique qu’elle ne demande pas assez… Elle refuse d’entrer dans ce cercle vicieux. « Je vais demander plus mais vous saurez que le dossier est tronqué, donc j’obtiendrai moins. Vous rendez-vous compte de la perversité du système ? Du coup j’ai toujours obtenu la somme dont nous avions besoin ! » Ces rencontres créent de vraies amitiés et Boscodon devient, au-delà des pierres restaurées, un lieu d’accueil et de vie. « Pour moi religieuse, si on veut témoigner de ce qu’est Dieu c’est l’accueil de tous, quelles que soient ses convictions. C’est ce que l’on tente de faire ici. Boscodon est une belle histoire. Difficile mais magnifique ! Les divergences de vues ont été riches car partagées. C’est en ce sens que j’accepte la Légion d’Honneur. Je ne suis que le symbole de ce qui a pu être possible, ensemble. C’est l’abbaye de Boscodon qui est honorée à travers moi ! »
Donner du sens
Sœur Jeanne Marie aura 82 ans en juillet. Elle recevra cette décoration, selon ses vœux, à Boscodon. Le 16 juillet ce sera l’assemblée générale de l’association. Le Préfet lui remettra alors ses insignes. « Je veux une cérémonie qui ait un sens. Il faut montrer que des choses magnifiques sont possibles dans la vie. Ce n’est pas facile mais possible ! Grâce à Boscodon j’ai rencontré des gens, dont parfois j’ignore le nom, qui m’ont pourtant marqué, aidé, redonné courage. Toute rencontre est importante. Nous ne sommes que les instruments d’une rencontre. Il faut savoir faire confiance aux autres. C’est pourquoi j’ai accepté d’écrire un livre, La clarté des pierres, parce qu’on me l’a demandé ! J’ai fait confiance à cette demande plutôt que de me fermer parce que je ne me sentais pas prête pour l’écriture. Ce sont les autres qui vous font progresser, cheminer personnellement et vous font aller au bout des choses. Peut-être que si je n’avais pas écrit ce livre, si Jean-François Savy ne l’avait pas lu, il n’y aurait pas de Légion d’Honneur… »
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