Vendredi 27 mars 2009 Jn 7.2-30 La fête juive des Tentes approchait. Lorsque les frères de Jésus furent montés à Jérusalem pour la fête, il y monta lui aussi, non pas ostensiblement, mais en secret. La semaine de la fête était déjà à moitié passée quand Jésus monta au temple et se mit à enseigner. Quelques habitants de Jérusalem disaient alors : « N’est-ce pas lui qu’on cherche à faire mourir ? Le voilà qui parle ouvertement, et personne ne lui dit rien ! Les chefs du peuple auraient-ils vraiment reconnu que c’est lui le Messie ? Mais lui nous savons d’où il est. Or, lorsque le Messie viendra, personne ne saura d’où il est. » Jésus, qui enseignait dans le Temple, s’écria : « Vous me connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de moi-même : mais Celui qui m’a envoyé dit la Vérité, Lui que vous ne connaissez pas. Moi je Le connais parce que je viens d’après de Lui, et c’est Lui qui m’a envoyé. » On cherchait à l’arrêter mais personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue. Dire « celui là, je sais d’où il est », c’est déjà l’enfermer dans des préjugés. « Que peut-il bien sortir de bon de Nazareth ». C’est donc fermer nos yeux à sa nature réelle, à l’inattendu, à toute surprise pour rester dans des certitudes éculées, d’où nous aurons bien du mal à sortir : rien ne conforte plus un préjugé que notre traduction faussée des réactions observées. Et seule l’accusation pourra nous donner l’impression de dire la vérité. Le lynchage médiatique d’un certain voyage africain nous donne un exemple pitoyable de cet aveuglement. Et inversement, laisser transparaître nos préjugés, c’est dire d’où l’on est, d’où l’on regarde. Notre regard sur le monde traduit notre origine, qu’elle soit culturelle, ou géographique. Et moins nous aurons bougé de notre « point de vue », plus notre regard sera étriqué. Or c’est là que Jésus renverse tout, lui qui n’a pas été « envoyé pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé ». Car sa « justice » n’a rien à voir avec celle des hommes. Et si l’on l’écoute bien, on a de quoi être « dérouté », déplacé de nos préjugés : Lui est effectivement d’ailleurs, il vient de cette « Vérité [qui nous] rendra libres », il est de l’ubiquité de Dieu qui espère et pardonne. La fête des Tentes est d’ailleurs cette commémoration de l’errance au désert, de ce temps où l’on a accepté de se déplacer en suivant la tente de la Rencontre sur laquelle se tenait la nuée. De ce « déplacement » aurait dû s’ensuivre naturellement un élargissement de nos vues étriquées, une perte de préjugés, par la rencontre d’espaces spirituels toujours nouveaux. Qu’en fut-il ? A part des récrimination et le regret des oignons d’Egypte, le peuple gardait les yeux rivés sur ses chaussures, et nous en faisons souvent autant, au lieu de lever les yeux vers la « Merveille que fit pour nous le Seigneur », élargir notre vision à l’aune de l’infini de la sienne, puisqu’en Le voyant, nous prenons le risque magnifique d’être transfigurés et de transfigurer notre regard. Le carême pourrait être ce temps privilégié d’un changement de point de vue, où nous accordons la coloration de nos lunettes à la Tendresse de Dieu, où nous prenons du recul pour ne pas risquer de hurler avec les loups qui ont conduit Jésus en croix. Aujourd’hui, c’est l’Eglise, son corps, qui subit la même crucifixion de la part de bien des censeurs aux idées toutes faites, parfois rejoints par des croyants qui ont justement oublié de prendre ce recul indispensable à toute honnêteté intellectuelle.
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