Jeudi 12 mars 2009 Luc 16.19-31
Jésus disait cette parabole : « Il y avait un homme riche, qui portait des vêtements de luxe et faisait chaque jour des festins somptueux. Un pauvre, nommé Lazare, étai couché devant le portail, couvert de plaies. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c’étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare tout près de lui. Alors il cria : « Abraham, mon père, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son doigt pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. –Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta ie, et Lazare le malheur. Maintenant, il trouve ici la consolation, et toi, c’est ton tour de souffrir. De plus, un grand abîme a été mis entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient aller vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne vienne pas vers nous. » Le riche répliqua : « Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. J’ai cinq frères : qu’il les avertisse pour qu’ils de viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture ! » Abraham lui dit : « Ils ont Moïse et les prophète : qu’ils les écoutent ! –Non, père Abraham, dit le riche, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront. » Abraham répondit : « S’ils n’écoutent pas Moïse ni les prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus. »
Il y a deux ans, je passais la semaine sainte au Sénégal, où la misère conduit certains parents à confier leurs enfants à des Marabouts sensés leur donner des rudiments de lecture et un minimum d’éducation coranique - en échange d’honoraires que les enfants doivent mendier, tout comme ils doivent se procurer à manger et de quoi se vêtir. On voit ainsi des dizaines de très jeunes mendiants (des « talibés », en arabe) entre cinq et quinze ans, à chaque coin de rue. L'enseignement est hypothétique, mais en cas de mendicité infructueuse, les coups sont certains.
N’ayant pas pu participer à la messe du Jeudi Saint, je m’étais promis d’assister à l’office du Vendredi Saint coûte que coûte. Je prends donc ma voiture de location (propre et en ordre de marche, donc véritablement un luxe au Sénégal), et je me rends au centre de Dakar.
A un feu rouge, un talibé (6 ans au plus) frappe au carreau. J’ouvre la fenêtre (électrique), il me sourit et tend la main. Dans mon porte-monnaie, seulement des billets de 5000 ou 10 000F CFA. Je lui fais donc un signe négatif. Mais loin de se décourager, il se met à chanter de sa voix très pure et cristalline. Et il chantait juste, le petit ange, avec ces grands yeux légèrement moqueurs devant ma gène « vraiment, tu ne peux rien pour moi, malgré ce chant dont je t’ai charmé ? » J’aurais pu trouver d’autres solutions : garer ma voiture, l’accompagner prendre une canette de coca et une part de « tié budjien » aux vendeurs qui pullulent. Mais je n’étais pas disponible, j’étais pressé : Dieu m’attendait, voyons ! Le feu passe au vert, je lui dis au revoir, et démarre.
Lors de la procession pour la vénération de la croix, j’entends à la tribune de l’Eglise entonner un chant de Michel Wackenheim que je ne connaissais pas :
« Un pauvre a frappé à ta porte
tu dors, tu dors…
Un pauvre a chanté à ta porte,
tu dors, tu dors…
Pourquoi le laisser partir,
pourquoi le laisser mourir ?
Il fait froid, dehors dans la nuit,
il fait froid dehors sur la croix. »
Dieu m'attendait, oui, mais pas là où je Le cherchais. Il m’avait souri sur un trottoir bondé. Le Christ est ressuscité, mais je n'étais pas assez convaincu. Je L’ai cherché, au retour, j’ai tourné, viré autour de ce feu rouge, mais…« Il faisait nuit » (Jn13,30). J'ai pleuré.
DP
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