D'après Felicisimo Martinez, O.P. in Philippiana Sacra , vol. XXIII, no. 67,
1988, pp. 23-54. Traduit de l'anglais par Evariste Lachance, o.p.
4. Le sujet principal de l'étude dominicaine est la théologie, la Doctrine Sacrée. Notre mission est de projeter un éclairage théologique sur les quaestiones disputatae de notre monde. Cela ne veut pas dire que tout Dominicain devrait être un théologien professionnel; ça veut dire que quelque soit sa spécialisation, il doit être rattaché à la théologie. L'évangélisation n'est pas possible sans une référence à la Doctrine Sacrée. Par conséquent, c'est une erreur de penser que seuls certains spécialistes ont une obligation de se consacrer à l'étude de la théologie. Tout Dominicain a cette obligation, bien que certains soient plus spécifiquement consacrés à cette occupation. La réflexion théologique dans son ensemble est la tâche de chaque communauté dominicaine.
De la tradition dominicaine nous pouvons apprendre la leçon suivante: la réflexion théologique a été forte dans nos communautés dans la mesure où elles ont été capables d'établir des dialogues entre le message chrétien et les diverses cultures. La théologie a été créative et prophétique dans l'Ordre en autant que les Dominicains se sont laissés questionnés par d'autres cultures et ont établi un dialogue critique envers elles; pour autant qu'ils ont pris comme point de départ de leur réflexion théologique les quaestiones disputatae des situations sociales et culturelles, et non pas les quaestiones disputatae de leur propre fabrication.
Les trois moments de la méthode scholastique étaient: lectio , quaestio et disputatio . Aujourd'hui, nous devrions changer ou modifier cette méthode et organiser le processus de la réflexion théologique en partant de la quaestio (problèmes historiques), passant par la lectio (étude de la Tradition), et aboutissant à la disputatio (dialogue interdisciplinaire). Le dialogue avec les autre sciences humaines et sociales est requis aujourd'hui si la théologie doit remplir sa tâche propre.
5. Le message chrétien est maintenant dans un processus de transculturation et d'inculturation. Après plusieurs siècles de théologie importée, les église locales essaient de créer leur propre théologie - theologica in loco -. Une telle théologie n'est pas un nouveau message chrétien; c'est une présentation inculturée de ce message. L'incmlturation a toujours été une condition sine qua non d'une évangélisation vraie.
L'élaboration d'une théologie inculturée est la responsabilité commune de tous les Dominicains, mais évidemment, c'est la responsabilité spéciale des Dominicains d'un endroit donné. Un étranger, ça se comprend, est toujours limité dans ses efforts d'inculturation. L'archétype maternel est plus puissant que le rationalisme thomiste. Les Dominicains d'un lieu donné sont les mieux placés pour comprendre en profondeur leur propre culture et leurs traditions pour établir un dialogue critique entre le message chrétien et la culture locale.
6. L'homme d'aujourd'hui suspecte beaucoup l'idéal théorique de la vérité, surtout quand il doit lutter pour sa propre survie, quand il se voit sur les frontières entre la vie et la mort. De telles situations créent une attitude spéciale à l'égard du message chrétien. Ceux qui vivent ces situations ont beaucoup plus besoin d'un message de vie et de libération qu'un simple système doctrinal. De telles situations sont donc un élément essentiel de la réflexion théologique.
Nous devons analyser ces situations de façon scientifique et critique. De simples descriptions empiriques ne suffisent pas. Il faut écouter les sciences sociales. La théologie a besoin d'être aidée par les sciences sociales si elle veut être vraiment une théologie "contextualisée". Un dialogue de la théologie avec les cultures et les idéologies n'est pas possible sans un dialogue entre la théologie et les sciences sociales.