Philippe a lu pour vous l'ouvrage de Marie-Françoise Baslez "Comment notre monde est devenu chrétien".
Pour nous qui n'avons connu qu'une église catholique très centralisée, l'enquête de Marie-Françoise BASLEZ sur les trois premiers siècles donne l’image surprenante d’une religion de petits groupes éclatés et différents en particulier sur les options théologiques.
J'ai bien aimé en particulier trois points : la position politique de Constantin vis à vis du christianisme, la construction des églises sur la base des réseaux pré-existants, la lecture culturelle des « hérésies ».
Marie-Françoise BASLEZ remet en cause la légende constantinienne : les documents ne confirment pas un tournant après la victoire du pont Milvius : si cette victoire avait été celle qu'en on dit les chroniqueurs, alors on en verrait le trace sur les monnaies, pratique attestée à l'époque ; par ailleurs l'édit de Milan n'est jamais que le décret d'application d'un édit de tolérance qui lui est antérieur.
Il est indéniable que Constantin a donné davantage de visibilité au christianisme, par exemple en 321 il institua « le jour du Seigneur » jour de repos obligatoire.
Lorsqu'il convoque le concile de Nicée, l'attitude de Constantin est politique : il faut unifier l'empire. Pour cela la logistique impériale est sollicitée pour permettre le concile. Le but est d'exclure les dissidences, multiples au moment où la compréhension du message du Christ est en train de se construire, en dialogue avec des cultures très diverses.
Aussi le choix de Constantin n'est pas dicté par une opinion personnelle : l'orthodoxie est la règle de la majorité, et elle doit être décidée à Rome.
Sur les nombreuses options théologiques qui naissent en ces premiers temps, Marie-Françoise BASLEZ montre comment les communautés chrétiennes ont su épouser les identités particulières des diverses régions et localités de l’Empire. Différents mouvements surgissent en tous lieux, et les autorités persécutent indistinctement « hérétiques » et « orthodoxes », ce qui est d’ailleurs confirmé par les récits des Actes des martyrs. Dès les premiers temps les responsables ecclésiastiques cherchent à consolider une doctrine commune, et c'est ainsi que la sélection d’un canon de textes sacrés est un des éléments de la lutte théologique. Le choix d'une option centrale sera imposée seulement à partir de Nicée.
L’identité variée des divers groupes chrétiens dans les multiples lieux de l’Empire se construit autour de réseaux familiaux et associatifs. Dès les premiers temps on voit à travers de nombreux exemples concrets, la capacité du christianisme « à s'enraciner localement en épousant les identités particulières », ce qui permet de faire d'ailleurs une « relecture culturelle des hérésies », comme le montanisme en Phrygie. Même si, vers la fin du IIe siècle, « émerge le pôle romain » et commencent à s'établir des listes de textes canoniques, le christianisme est alors avant tout « une affaire locale » et la visibilité des communautés repose sur l'action sociale et l'éducation des élites : on est évèque de père en fils, recruté dans les familles de notables, celles qui répandent leurs bienfaits sur la cité dans la tradition antique.
Enfin Marie-Françoise BASLEZ montre comment viennent se joindre au tableau quelques « fortes femmes » comme Lydie, chef de famille qui prend la tête de l’Église de Philippes ou comme Thècle, disciple libre de Paul, devenue prophétesse et martyre.
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