Il n’est pas nécessaire d’être croyant pour sacraliser la Bible.
D'origine allemande, Thomas Romer a fait une partie de ses études en France où il a découvert que la laïcité « à la française » a relégué la Bible a un usage exclusivement religieux.
D'un côté des laïcs pour lesquels la Bible est une affaire de curés, de l'autre des croyants pour lesquels il importe de démontrer la cohérence du discours biblique dans sa forme canonique, les Patriarches étant comme un prologue à l'Exode, et tout l'Ancien Testament la préparation du Nouveau.
En France singulièrement ces deux approches ne laissent guère d'espace pour une approche culturelle décomplexée.
C'est pourtant ce que Thomas Romer nous propose dans ce livre d'entretiens avec Estelle Villeneuve, archéologue, journaliste et éditrice au « Monde de la Bible ».
Le « style oral » de l'ouvrage permet au lecteur de comprendre plus aisément des problèmes complexes comme la concurrence de mythes fondateurs dans les deux premiers livres bibliques ou la référence à deux divinités distinctes (El et Yahvé, un chef du panthéon et un dieu de l’orage).
La synthèse des recherches actuelles proposée par Thomas Römer dans ce livre surprendra le lecteur qui aurait rangé la Bible dans la catégorie de la littérature pour croyants.
La datation des premiers textes de la Bible a été bouleversée il y a une trentaine d’années on pensait que le premier document avait été rédigé au 10e siècle sous Salomon et David. Il est aujourd’hui très difficile de maintenir cette hypothèse. Les enquêtes archéologiques et épigraphiques montrent en effet que l’on ne commence à avoir une culture d’écriture au royaume de Juda, c’est-à-dire dans le Sud qu’à partir des 8e et 7e siècles. Les textes bibliques sont donc une littérature s’étalant sur presque un millénaire, et centrée entre le 6e et le 4e siècle av. J.-C.
Alors que deviennent les figures historiques d'Abraham ou de Moïse ?
Personne ne peut affirmer qu'ils ont existé ou pas.
La Bible ne nous donne accès qu'à des figures littéraires, et c'est bien le texte qui importe : ce n'est pas le Moïse historique, s'il a jamais existé, qui est à l'origine du judaïsme, mais le texte biblique dont il est le personnage principal.
Si on veut bien s'éloigner un peu de « l'histoire sainte » on constatera par exemple que dans le Livre de la Genèse coexistent une tradition qui promeut une vision d’Israël invité à évelopper son identité avec ses voisins sans exclure qui que ce soit, et une autre, radicalement différente, qui porte un discours qui exclut tout étranger.
A partir du foisonnement de la Bible, bien des interprétations sont possibles, et chacun doit assumer la paternité ce celle qu'il propose, qu'il s'agisse de du pêché originel ou de l'élection, la séparation et l'exception d'Israël parmi les nations.
Au terme de ce livre passionnant intitulé « la Bible, quelles histoires ! » on pourra aussi se dire « l'exégèse, quel chantier ! », et les plus curieux pourront ensuite se reporter au site du Collège de France où Thomas Romer enseigne depuis février 2009 :
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