Publié initialement sur le site Montesinos.fr
Par le Frère Jacques-Benoît Rauscher, op et Patrick Vincienne, laïc op
Le monde entier est aujourd’hui sensibilisé sur le sujet du climat, un énorme chantier, mais nous sommes aveuglés par les innombrables questions qui envahissent notre vision à court-terme, et la volonté de changer n’est encore le fait que d’une minorité. C’est le « syndrome du Titanic » : le bateau coule, mais l’orchestre continue de jouer les mêmes airs. Jacques Chirac l’avait exprimé à sa façon à Johannesburg : « notre maison brule, mais nous regardons ailleurs ». Beaucoup, tel Nicolas Hulot, envoyé spécial du Président de la République française, en visite à trois reprises à Rome en 2013 et 2014, se tournent vers l’Eglise pour espérer faire changer les consciences.
De fait, la Pensée sociale de l’Eglise a manifesté un intérêt assez précoce pour ces questions. En effet, c’est en 1971, alors que ces problématiques émergent à peine dans le débat, que Paul VI indique dans sa lettre apostolique Octogesima adveniens : « Tandis que l’horizon de l’homme se modifie ainsi à partir des images qu’on choisit pour lui, une autre transformation se fait sentir, conséquence aussi dramatique qu’inattendue de l’activité humaine. Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. » (§21).
Ses successeurs ont approfondi cette perspective. En particulier, Jean-Paul II a eu le souci d’intégrer cette question à l’ensemble des problématiques de Justice et de Paix. Il indique ainsi que le non-respect de la création est non seulement une offense faite au Créateur, mais qu’elle est aussi un problème moral. Il souligne que « la pollution ou la destruction de l'environnement sont le résultat d'une vision réductrice et antinaturelle qui dénote parfois un véritable mépris de l'homme » (Message pour la Journée mondiale de la Paix 1990, §7). Enfin, Jean-Paul II a exprimé de manière particulièrement nette le lien qui existe entre les questions de développement et les questions environnementales. Il a expliqué combien les pays les moins développés étaient souvent contraints à une destruction de leur patrimoine naturel susceptible de provoquer de graves conséquences pour leurs populations à moyen et long terme. Benoît XVI poursuit cette volonté d’intégrer la question environnementale dans l’ensemble des questions morales et sociales dont traite la Pensée Sociale de l’Eglise. Dans son encyclique sociale publiée en 2007 il écrit ainsi : « Les devoirs que nous avons vis-à-vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne considérée en elle-même et dans sa relation avec les autres. On ne peut exiger les uns et piétiner les autres. » (Caritas in Veritate, §51).
Mais Benoît XVI a aussi contribué à manifester une limite à la défense de l’environnement en rappelant que celle-ci ne peut conduire à concevoir la dignité de la nature comme supérieure à la personne humaine. Il s’oppose ainsi aux mouvements de l’écologie radicale qui risque, selon lui, de tendre à un néo-panthéisme ou à un néo-paganisme qui conduirait à oublier la « grammaire » établie par le Créateur qui a confié à l’homme le rôle de gardien de la Création (Message pour la Journée mondiale de la Paix, 2010, §13).
Le Pape François devrait poursuivre cette réflexion par une grande encyclique sur l’écologie attendue pour mai ou juin 2015.
La Pensée Sociale de l’Eglise nous rappelle que nous sommes partenaires d’une alliance avec Dieu, en tant qu’enfants de Dieu. Nous tentons aussi d’être les artisans d’une alliance des hommes entre eux, pour vivre ensemble en paix, comme des frères. Nous sommes enfin appelés à forger une alliance respectueuse entre les hommes et leur environnement naturel.
Rédigé par fr. Jacques-Benoît Rauscher, op et Patrick Vincienne, laïc op
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