Evangile de Jésus Christ selon Saint Marc (4, 21-25)
Jésus disait encore à ses disciples cette parabole : « Est-ce que la lampe vient pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? N’est-ce pas pour être mise sur le lampadaire ? Car rien n’est caché, sinon pour être manifesté ; rien n’a été gardé en secret, sinon pour venir au grand jour. Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » Il leur disait encore : « Faites attention à ce que vous entendez ! La mesure dont vous vous servez servira aussi pour vous, et vous aurez encore plus. Car celui qui a recevra encore ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. »
Ce texte fait suite à une parabole lue hier, qui laisse les disciples si perplexes que Jésus ajoute « Ils pourront bien regarder de tous leurs yeux, ils ne verront pas, ils pourront bien écouter de toutes leurs oreilles, il ne comprendront pas » (Mc.4.12). Mais à nous serait donné d’ « Entendre ce que nous voyons », « [ouvrir] l’oreille de [notre] cœur » ? Voire ! Pas facile, de déceler dans le quotidien la trace de la Lumière du Christ, manifestation parfaite de l’Amour du Père, entrer dans ce mutisme gorgé de sens et de vie du psaume 18 :
« Pas de parole dans ce récit, pas de voix qui s’entende. Mais sur toute la terre en paraît le message, et la nouvelle aux limites du monde. »
Comment accomplir jour après jour la prophétie d’Is.45, où Dieu, interpellé comme un « Dieu caché » répond « je ne me cachais pas dans l’obscurité quand j’ai parlé » ? Comment résonner de la musique du Ciel, où le Mystère de Dieu, même indéfinissable, serait excès de Lumière, « éblouissant de sainteté » ?
Peut-être en entrant dans cette « mesure » dont parle Jésus. La seule possible, si « tout doit venir au grand jour » de ce que nous sommes : celle de la miséricorde. Ne pas « entendre » l’autre (ou nous-même) en l’enfermant dans ce que nous pensons en « sa-voir », tourner le dos au jugement et à toute suspicion en équipant notre œil et notre oreille de l’indéfectible confiance et indéracinable espérance de Dieu pour nous.
« La lampe de ton cœur, c’est l’œil » (Mt 6.22). Question de regard, où pointera une étincelle de cette tendresse qui nous est offerte de toute éternité, sans mesure, comme un cadeau dont jamais nous ne nous sentirons méritoires. Gratuité de cette Joie née de la joie offerte, Vie de notre vie, Oui, « Lumière née de la lumière. » que nous ne pourrons plus que refléter. Rencontrer un tel regard ressuscite.
La vision qu’on a du monde rejoint un peu la vision qu’on a de soi-même. C’est souvent ou tout blanc ou tout noir, parfois on n’ose même pas se regarder !
Il y a le visage que l’on montre aux autres et le jardin secret que l’on cache pour des raisons les plus diverses. Comme nous le montrait naguère Martin Gray, la vie est avant tout un combat contre l’adversité, une dépense d’énergie qui s’emploie pour transformer en bien nos petits et grands malheurs d’origine aussi bien endogènes qu’exogènes. Il existe naturellement une interdépendance entre tous les événements que l’on a vécus, mais au bout de quelques années on peut réaliser qu’il existe également un jugement sur soi qui s’appuie sur une certaine hauteur de vue, sur ce que j’appellerais une transcendance ; une sorte d’intuition qui vous rattache, non plus au passé ni au présent, mais à ce que les Bouddhiste appelle : une conscience universelle. On échappe alors au jugement pour s’ouvrir à un amour plus universel donc essentiellement libérateur. C’est le sens à donner au mot : « Lumière »
Un jour une personne très proche me posa la question suivante :
« Expliquez-moi pourquoi vous avez la foi ? ».
A vrai dire il est fort délicat de répondre car on touche là à la profondeur et au mystère de l’homme et de son esprit, à l’indicible voire à l’incertitude sur soi-même. Comment parler de soi dans tout ce qui est apparemment bien ou moins bien et dans tout ce qui constitue les subtilités de la relation à la transcendance, relation d’amour dans tout ce qu’elle a de personnelle et de paradoxale. Il n’y a pas de place, dans ce contexte, pour la caricature, fruit des limites de notre langage et aussi des limites à placer dans l’ensemble des choses que l’on peut dévoiler aux autres. Saint Jean de la Croix parle de la « nuit des sens » et de la « nuit de l’intelligence ». En fait alors qu’on croit avoir saisi le sens, celui-ci se dérobe aussitôt. Comment les autres peuvent-ils alors comprendre nos démarches plus ou moins chaotiques alors que notre vie semble se dérouler selon leurs propres interprétations ? Et pourtant la lampe ne doit pas être mise sur le boisseau ! D’ailleurs la réponse à la question ci-dessus serait sans aucun doute :
« - Si je dis oui alors je dois me considérer très prétentieux !
- Si je dis non alors il s’agit d’un mensonge ! »
Voilà qui relève d’une logique laissant place au trinaire plutôt qu’au simple binaire : oui ou non. Pas étonnant que dans les Evangiles, nous rencontrions le contradictoire et le paradoxal.
Le parcours terrestre de tout être humain comprend tour à tour des phases banales, des instants de bonheur simple et des périodes plus tragiques qui restent la propriété de la personne dans son absolu. Une expérience religieuse peut justement se construire à partir d’événements où la souffrance prend tout son sens, plutôt que d’être purement et simplement subie tant bien que mal. Il existe une sorte de frontière de nature « mystique » entre ce qui appartient à Dieu seul et ce qui appartient de droit à l’humanité. La lampe sert aussi à s’éclairer soi-même.
Rédigé par : SHAKTI | 01 février 2008 à 17:08