Lors de la retraite prêchée aux fraternités laïques le premier week-end de décembre, le Frère Jean-Claude Lavigne a repris tous les éléments dont s’inspire la tradition dominicaine en les déclinant en quatre thèmes : la compassion de Dominique ou le souci de l’autre, la rencontre, la lecture et la contemplation.
La question récurrente de Dominique : « Que vont devenir les pêcheurs ? », manifeste sa compassion, ce qu’on appelle plus volontiers aujourd’hui le souci de l’autre. Non pas dans l’ordre du devoir, mais dans l’ordre de l’impératif amoureux, qui nous amène à un déplacement. Ce souci de l’autre trouve aujourd’hui diverses applications: le souci de celui qui est proche (famille, voisins…), ou de celui qui passe au loin, qui n’a pas la même culture et les mêmes valeurs que nous ; le souci de celui qui souffre et qui nous appelle à nous solidariser avec lui ; de façon plus nouvelle enfin, le souci de la terre et de la vie sur la terre, touchant à l’existence quotidienne et au concept de développement durable. Le souci de l’autre a besoin d’être évangélisé, il ne doit pas être captateur, mais se mettre au service des libertés. Il s’agit de faire en sorte que l’autre souffre moins, que la vie l’emporte sur la mort.
Dominique nous donne aussi le sens de la rencontre dans sa confrontation avec l’aubergiste de Toulouse. La rencontre est au principe du surgissement de la parole, marquée par la prise de risque et la fragilité. Elle s’appuie sur l’amour de l’autre en ce sens qu’elle part d’un a priori favorable, et suppose de se laisser toucher par l’autre, de croire à sa valeur, sans être intrusif, sans chercher à l’instrumentaliser. Il y faut une capacité d’écoute et une lutte fondamentale contre le bavardage : il ne s’agit pas de « causer » ou d’avoir réponse à tout, mais d’accéder à une parole vraie, pour soi et pour l’autre. Cela suppose de l’aider à se découvrir lui-même et d’accepter d’être vu par lui sans masque et sans tricherie. Cela passe souvent par des médiations comme l’action, la « militance » de Joseph Lebret. En dernier ressort, le désir de rencontre nous amène, sur les traces des mystiques rhénans, à désirer rencontrer Dieu comme un ami.
La lecture des Ecritures tient une place importante dans la vie de Dominique. Il s’agit pour lui de les lire, des les étudier et de les approfondir afin de pouvoir les retransmettre. Etudier, c’est se mettre à l’écoute de la lecture. C’est exigeant : on ne comprend pas toujours, cela nous oblige à entrer dans la logique de l’autre pour le rencontrer, mais aussi à nous rencontrer nous-mêmes, à travers des suggestions ou des appels qui nous concernent. Moment privilégié de la lectio divina , surgissement de la vie lié à l’Esprit, qui nous permet alors d’ advenir à nous-mêmes, et qui nous fait entrer dans le mystère. Cela vaut aussi pour toute autre lecture…, sous toutes les formes contemporaines, comme lieu de rencontre et de déplacement, comme chemin vers la vérité.
La dernière dimension de la spiritualité dominicaine est la contemplation. A la mettre en premier, on risquait de faire l’impasse sur le souci de l’Autre et sur le déplacement nécessaire. Comment en parler ? On est à la limite du vocable. Il y a des étapes préalables : la lecture, la réflexion, la méditation. La contemplation n’est pas supérieure, c’est autre chose. C’est comme un lieu inaccessible dans lequel il nous sera peut-être donné d’entrer, qui pourra devenir un lieu de mémoire permettant de tenir dans les moments difficiles. Est-ce exceptionnel ? Peut-être pas, mais cela suppose un long moment de préparation, dans la méditation et dans la charité, dans le lâcher-prise et l’acceptation de ce qui peut arriver.
Signature : Emilie A.
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