Evangile de Jésus Christ selon Saint Jean (7, 2-10/14-30)
La fête juive des Tentes
approchait. Lorsque les frères de Jésus furent montés à Jérusalem pour la fête,
il y monta lui aussi, non pas ostensiblement, mais en secret. La semaine de la
fête était déjà à moitié passée quand Jésus monta au Temple et se mit à
enseigner. Quelques habitants de Jérusalem disaient alors :
« n’est-ce pas lui qu’on cherche à faire mourir ? Le voilà qui parle
ouvertement, et personne ne lui dit rien ! Les chefs du peuple auraient-ils
vraiment reconnu que c’est lui le Messie ? Mais lui nous savons d’où il
est. Or, lorsque le Messie viendra, personne ne saura d’où il est. »
Jésus, qui enseignait dans le Temple s’écria : « Vous me
connaissez ? Et vous savez d’où je suis ? Je ne suis pas venu de
moi-même : mais celui qui m’a envoyé dit la vérité, lui que vous ne
connaissez pas. Moi, je le connais parce que je viens d’auprès de lui, et c’est
lui qui m’a envoyé. » On cherchait à l’arrêter, mais personne ne mit la
main sur lui parce que son heure n’était pas encore venue.
La fête des tentes invite le peuple
hébreux à l’expérience de la précarité, pour lui rappeler qu’il a été errant.
Ne pas savoir de quoi demain sera fait, prendre conscience de notre finitude et
de notre fragilité, tout attendre de la générosité de Dieu. « Toi qui
compte mes pas vagabonds, recueille en tes outres mes larmes. » (Ps
55,9)
Et cette question semble ici liée au
secret, au « Lieu » de Dieu et à son « Heure ». …
Dans l’Evangile de Jean, le Lieu de
Dieu est une question récurrente, depuis la rencontre avec la Samaritaine
« où faut-il adorer ? » (Jn 4.20), en passant par la
question mainte fois répétée « nous ne savons pas d’où il est »,
« là ou je suis, vous ne pouvez venir » (Jn 7.34), jusqu’à cet
échange magnifique au dernier soir, avec Thomas en Jn 14.4-6 « Pour
aller où je vais, vous savez le chemin » Thomas lui dit « Seigneur,
nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le
chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, Je suis le Chemin, la
Vérité et la Vie ». Ou même le « non-lieu » espéré dans le
cri de Marie-Madeleine au matin de Pâques : « Si c’est toi qui
l’as emporté, dis-moi où …» (Jn 20.15). Pour Dieu, ce lieu est
justement celui de la précarité la plus totale, Lui dont la tête, qui « n’a
pas où [se] poser », pendra lamentablement dans le vide « à
l’heure » du dernier soupir.
La question de l’heure commence en
St Jean à l’instant inaugural des noces de Cana (Jn 2) : « mon
heure n’est pas encore venue » et va jusqu’au cri du dernier soir « Père, l’heure est venue. Glorifie
ton fils… » (Jn 17.1). Heure de Dieu hors du temps de l’homme,
traversant l’éternité comme un instant : « A tes yeux, mille ans
sont comme hier, c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit »
(Ps 89.4).
Depuis la croix, l’Heure et le Lieu
de Dieu, ce « ciel et [cette] terre nouvelle » chantée par
Isaïe (65.17), c’est cet ici et maintenant du don total et particulier à
chacun, respectant amoureusement l’heure et le lieu qu’il est dans son cœur,
pour l’accompagner à son pas d’Emmaüs vers le matin de sa propre Résurrection. « je
gravis les cieux, Tu es là; je descends chez les morts: Te voici » (Ps 138,8)
« moi, stupide comme une bête, je ne savais pas, mais j’étais avec
Toi » (Ps 72.23). Espace-temps
de Dieu d’une autre « dimension », où comme Abraham nous plantons la
tente sous la nuit éclairée de ce tapis d’étoiles qu’il nous est demandé de
dénombrer, pour y prendre conscience de l’infini de la Promesse.
Pour savoir d’« où Il
est », il faut nous ouvrir au plus intérieur de nous-mêmes ; pour
pressentir son « heure », nous abandonner dans ces instants où sa
Présence se fait presque palpable dans le secret de la prière contemplative, où
la nuit se pare de toutes les couleurs des Béatitudes. Pour Le chercher de tout
notre être, il nous reste à goûter la merveilleuse précarité de savoir que
jamais nous ne l’aurons trouvé entièrement. Et pourtant, « Tu ne me
chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé » disait–Il à Augustin
dans une de ces étincelles d’Eternité.
Le Lieu et l’Heure de Dieu, c’est
notre intime et immense soif de Lui.
Signé : Denis