Vendredi 5 décembre 2008 Mt 9.27-31
Jésus était en route ; deux aveugles le suivirent, en criant : « aie pitié de nous, fils de David ! » Quand il fut dans la maison, les aveugles l’abordèrent, et Jésus leur dit : « croyez-vous que je peux faire cela ? » Il répondirent : « Oui, Seigneur.» Alors il leur toucha les yeux, en disant : « que tout se fasse pour vous selon votre foi ! » Leurs yeux s’ouvrirent, et Jésus leur dit sévèrement : « attention, que personne ne le sache ! » Mais, à peine sortis, ils parlèrent de lui dans toute la région.
L’aveugle, dans l’Evangile, est évidemment l’image de tout homme qui n’a pas la foi : il ne peut « voir » le monde à travers le filtre de l’incarnation. Chacun de nous porte bien sûr cette part d’aveugle qui ne parvient que très partiellement à voir Dieu présent dans nos vies. Or l’aboutissement de la vue, c’est de voir en tout homme une incarnation de Dieu en espérance . En tout homme, c’est à dire aussi et surtout dans celui qui en semble le plus éloigné. Exercice impossible « à vue d’homme ». On comprend alors que cela soit à implorer, comme toute grâce. Et une grâce, un sacrement, n’agit en plénitude qu’à la mesure de, c’est à dire « selon notre foi ! »
Il y a de quoi s’émerveiller de la façon dont Jésus nous rend acteurs. Voilà une véritable parabole de l’histoire du salut. Dieu aurait pu créer un homme incapable de désirs « à risques », coulant benoîtement ses jours prisonniers au jardin d’Eden sans se poser de question dérangeante. Henry Lacordaire faisait remarquer « l’enfer n’existe que parce que la censure est impossible à Dieu même : il a préféré, du moins, le régime de l’enfer au régime de la censure. Car si l’enfer fait des damnés, il fait aussi des hommes et des saints, au lieu que la censure n’eût peuplé le monde que d’idiots immortels. »
Dieu nous a voulus debout et responsables. Et dès lors, même lorsqu’il agit pour nous en transfigurant nos vies, ce n’est qu’à la mesure de notre participation à cette transfiguration. Lorsque je reçois une bénédiction, je suis invité par l’Eglise à la tracer moi-même sur mon corps. Sinon, à l’inverse de l’adage « qui ne dit mot consent » qui ne coopère entrave. C’est dire le regard que Dieu pose sur l’homme, l’inestimable grandeur de l’homme aux yeux de Dieu, qui explique presque pourquoi Il a voulu s’incarner et mourir avec lui ! On ne peut aimer avec condescendance. On ne peut aimer qu’avec un regard à égale hauteur, ou vers le haut. Dieu, l’infiniment humble, car il est la Vérité, se veut à notre hauteur et même se fait notre serviteur, nous livrant ainsi notre chemin de Vérité. Et dans cette nécessité de participer à son œuvre, nous sommes faits ses collaborateurs non pas à égalité, mais avec la même dignité. St Irénée n’avait sans doute constaté que cette évidence évangélique renversante, en affirmant que Dieu s’était fait homme pour que l’homme devienne dieu.
Denis
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