Méditation sur un hymne de carême
Peuple de Dieu n’aie pas de honte,
Montre ton visage à ce temps-ci !
En traversant l’âge du monde,
Cherche ton souffle dans l’Esprit ;
Lève ton hymne à sa puissance,
Tourne à sa grâce ton penchant :
Pour qu’il habite tes louanges
Et soit visible en ses enfants.
Tiens son amour, tiens son épreuve ;
C’est dans la joie qu’il te confia
Toute la charge de son œuvre
Pour qu’elle chante par ta voix :
Ne te replie pas sur toi-même
Comme si Dieu faisait ainsi !
C’est quand tu aimes que Dieu t’aime,
Ouvre ton cœur, fais comme lui.
Va, puise dans ton héritage
Et, sans compter, partage-le;
Gagne l’épreuve de cet âge,
Porte partout le nom de Dieu !
Qu’il te rudoie, qu’il te réveille :
Tu es son corps, dans son Esprit !
Peuple d’un Dieu qui fait merveille,
Sois sa merveille d’aujourd’hui.
La honte, justement, elle a été tellement présente ces derniers temps… Nous l’éprouvons, nous l’exprimons, à plusieurs reprises, là où ces mots ne nous étaient jamais venus pour parler de l’Eglise. « Peuple de Dieu n’aie pas de honte ». Si, il a honte le Peuple de Dieu.
« Montre ton visage à ce temps-ci ». Quel est ce visage ? On aimerait tellement que le visage du Christ soit lisible sur le visage de son Peuple, retour à la honte, quel est le visage du peuple en question ? pas fier de lui… soit il culpabilise de ne rien-faire-rien-dire alors qu’il bout de révolte intérieure, soit il exprime sa honte, pousse des coups de gueule, qui ne font parfois qu’ajouter de la honte à celui qui les reçoit, désarroi…
« En traversant l’âge du monde ». C’est dans ce présent, tel qu’il est, que nous avons à vivre de la vie de Dieu, « Cherche ton souffle dans l’Esprit ». Oui, au fait dans tout cela, on est tellement bouleversé, que l’on a du mal à prendre souffle, prendre du recul. On prie, on supplie, on a du mal à calmer le bouillonnement intérieur, notre voix se fait entendre et peine à entendre la voix intérieure. « Lève ton hymne à sa puissance ». En ai-je la force ? Chanter la force de l’Esprit quand j’ai du mal à sentir la brise ? Invitation au décentrement, c’est bien vrai de toute façon que sans l’aide de l’Esprit…
« Tourne à sa grâce ton penchant » Bon, il va falloir que j’arrête de tourner en rond en ressassant tout ce qui fait mal, de gratter les cicatrices… Tiens, au fait, accepter de tourner, se convertir… c’est le moment… l’écouter plus, lui, que moi, ne pas confondre mes émotions et ses élans…
« Pour qu’il habite tes louanges » Se laisser habiter par l’Esprit pour le laisser s’exprimer, lui, à travers nous. « Et soit visible en ses enfants » Justement, c’est ce que l’on aimerait bien… on ne demande que ça… comment est-ce que j’y contribue, comment est-ce que je le fais avec d’autres ?
« Tiens son amour, tiens son épreuve » Je n’avais pas fais attention à cette juxtaposition. L’amour peut être une épreuve. Aimer sans retour est difficile, voir souffrir les autres est difficile, mal aimer et voir souffrir les autres à cause de soi est difficile. Tenir dans l’épreuve suppose la fidélité, décider d’aimer.
« C’est dans la joie qu’il te confia toute la charge de son œuvre pour qu’elle chante par ta voix. » Dans Saint Luc, la joie est toujours associée à la foi. Foi, confiance, même racine. « L’œuvre de Dieu c’est de croire en celui qu’il a envoyé » (Jn 6,29) Foi de Dieu en nous, pour que reçue par nous elle remonte par nos voix, comme la pluie qui féconde.
« Ne te replie pas sur toi-même comme si Dieu faisais ainsi ». Visage du Christ humilié, bafoué, continuant à aimer, à se donner. Confiant son Eglise à Pierre, qu’il savait bien capable de trahison, nous offrant son pardon, malgré les nôtres.
« C’est quand tu aimes que Dieu t’aime, ouvre ton cœur, fais comme lui. » S’ajuster à Dieu, qui aime sans fin, sans retour. Ouvrir son cœur ? on sait bien que ça fait mal, s’exposer, laisser tomber toutes les défenses, accepter la vulnérabilité, montrer un visage que justement on a pas trop envie de lever ? « Comme lui », qui le peut ? essayer… laisser cet amour nous traverser…
« Va, puise dans ton héritage et, sans compter, partage-le » Héritage de l’Evangile, de la foi, le l’expérience d’un vivre-avec. Là je retrouve aussi l’Eglise, le Peuple de Dieu, tous ceux grâce auxquels je peux dire « je crois ». Tous ces croyants, témoins qui m’ont portée. Ils ont passé le flambeau, cet héritage, oui, je continuerai de le partager.
« Gagne l’épreuve de cet âge, porte partout le nom de Dieu ». Je n’ai pas vraiment envie de « gagner » quand je sais que ce qui est en fait difficile, c’est d’accepter pleinement le don de Dieu. « Gagne l’épreuve » peut prendre un autre sens si l’on comprend « rejoints-là ». On peut entrer dans un dynamisme où il ne s’agit plus de voir l’épreuve de l’extérieur (et de râler contre) mais d’entrer dedans, et par elle porter le nom de Dieu. Pas facile, mais qui a dit qu’il était facile de suivre le Christ ?
« Qu’il te rudoie, qu’il te réveille ». Là c’est gagné pour le coup ! Merci pour la douche ! Mais après tout il a peut-être raison. Le petit confort du tout-tourne-rond, on est bien obligé d’en sortir. Le vent de l’Esprit qui nous avait tellement pris au sortir de Vatican II, on avait pas un peu oublié sa force ? La collégialité des évêques, on s’inquiétait vraiment de ne pas la voir plus à l’œuvre ? La condescendance de certains membres du clergé vis-à-vis des femmes, ça choquait vraiment ? le légalisme sans mesure, on s’inquiétait qu’il puisse exister ? On pointait bien un peu tout cela, peut être que nos propres responsabilités réveillées peuvent faire quelque chose.
« Tu es son corps, dans son Esprit ! » Eglise corps du Christ, quelle confiance, oui, foi et confiance encore, même racine… où es-tu foi assez forte pour que par l’Esprit je te donne de vivre à travers moi ?
« Peuple d’un Dieu qui fait merveille, soit sa merveille d’aujourd’hui ». Allons bon, juste au moment où c’est la honte qui nous envahit, voilà l’invitation au magnificat. Et pourtant… oui, tu fais merveille, toi qui aimes sans mesure, qui pardonnes, qui ressuscites. Résurrection, maître mot, plongés dans ta mort et ta résurrection nous voici « capables » de toi, invités à être merveille ! A relevé un visage transfiguré par toi, confiants en toi, pour que d’autres ait une chance de t’y voir. Magnificat, magnificat envers et contre tout.
Sylvie
Commentaires