Cette Parole du Christ est l’étincelle qui donna sens à la vie de Mère Teresa. Présente seulement sous forme dérivée en Matthieu[1] ou en Luc[2], la soif du Christ n’est explicite qu’en Jean, dont elle est même un des fils rouges.
Dès les noces de Cana, Jésus donne au vin le sens d’une alliance nuptiale entre l’homme et son Dieu. Nous y passons d’un mariage de raison, lié à l’ancienne alliance, à un mariage d’Amour, comme réalisation de la prophétie « Je mettrai ma loi dans leur cœur » (Jr 31.33). Puis la rencontre de la samaritaine fait s’unir la soif de l’homme et la soif de Dieu, puisqu’autour de ce puits, c’est d’abord Jésus qui demande, puis il révèle à la femme quelle est sa soif, et qui est Celui qui peut combler son besoin d’amour. Puis le discours du pain de vie « Celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif » (Jn 6.35) et enfin « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l’Ecriture : des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur. » Jn 7.37
« Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « tout est accompli » puis, inclinant la tête, il remit l’Esprit. » Comme s’il y avait lien de cause à effet : à partir de là, tout est dit. Le vin des noces de Cana avait mal tourné, mais Jésus en a bu toute l’aigreur, pour rétablir ce mariage dans sa pureté originelle. C’est un peu comme la crise d’un couple qui se retrouverait, après un temps de larmes, dans l’étreinte émerveillée de leur premier baiser.
L’Evangile le Luc peut sembler seul à dire explicitement le pardon, puisqu’il est le seul à rapporter la parole « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc23.34) . Mais dans ce parallèle entre Cana et la croix, l’Evangile de Jean nous dit finalement la même chose, et va plus loin, puisqu’il précise la vraie nature du pardon : redoublement de l’amour passant au dessus de la blessure, ressuscité dans une nature transfigurée. D’ailleurs, la branche d’hysope au bout de laquelle se tient l’éponge nous renvoie au psaume 50, celui du pardon.
Voilà pourquoi « des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur » quelques instants plus tard. Dieu déborde d’Amour. Nous qui lisons cela, nous en viendrions presque à nous demander comment le Christ aurait pu ne pas ressusciter : lamentable cadavre pendu au bois, il l’est déjà, puisque de lui coule la vie éternelle. Cette soif, c’est celle de se donner dans tout son infini. Ce fleuve d’eau vive, l’eau de notre baptême, ce trop-plein qui jaillit du côté du temple et assainit toutes nos mers mortes (Ez 47), ce n’est plus le déluge de la colère de la Genèse mais celui de sa tendresse qui vient inonder notre monde intérieur et, si nous prenons cette merveille au sérieux, va parfois jusqu’à déborder sur nos joues.
DP
[1] Discours des Béatitudes, les assoiffés de justice -Mt 5.6-, et au jugement dernier, la bénédiction de ceux qui ont donné à boire -Mt 25.35)
[2] Luc 12.49-50 : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé! Je dois recevoir un baptême et comme il m'en coûte d'attendre qu'il soit accompli ! »
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