Cet article publié par l'un de nos membres a été à l'origine mis en ligne sur le site de Justice et Paix
Le 1er février 1954, l’abbé Pierre lance un appel qui pénètre les consciences « Mes amis, au secours. Une femme vient de mourir gelée cette nuit sur le trottoir, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'a expulsée. » La France entière, saisie d’émotion, réagit dans un mouvement sans précédent de solidarité fraternelle, c’est: « l’insurrection de la bonté ».
Dès 1951, renonçant à un mandat de député, l’abbé Pierre décide avec quelques compagnons de mendier et de faire de la récupération pour porter secours aux déshérités.
En 1953, il crée Emmaüs (1) pour rendre une dignité aux personnes plongées dans une misère telle qu’elles n’ont même pas un toit pour s’abriter. En 1954, il obtient l’accord pour la création de « cités d’urgence » où il loge des familles dépourvues de tout. Le plus populaire des français devient alors un véritable bâtisseur et consacrera toutes ses forces à l’œuvre d’Emmaüs. Disparu en 2007, son œuvre demeure et son combat est poursuivi.
Le 17 octobre 1987, le père Joseph Wresinski lance un cri : « là où les hommes sont condamnés à la misère, les droits de l’homme sont bafoués, s’unir pour les faire respecter est un devoir sacré » Cet appel, relayé au plus haut niveau fera du 17 octobre la journée mondiale du refus de la misère.
En 1956, il reçoit le choc de sa vie. Ayant lui-même connu la misère, enfant, il rejoint des familles mal-logées dans une cité d'urgence crée à l'initiative de l'abbé Pierre. « Ce jour-là, je suis entré dans le malheur ». Dès lors, il ne cessera de plaider pour la dignité des plus pauvres, créant ATD Quart-Monde (2) et engageant des actions sur le plan institutionnel.
Dès 1958, il trouve en Geneviève de Gaulle une alliée indéfectible. Résistante déportée en 1944, elle rencontre, après la déshumanisation des camps, celle de la misère à laquelle elle opposera le même esprit de résistance mais contre un autre totalitarisme.
Elle poursuivra ce combat au-delà de la mort du père Joseph en 1988, jusqu’à ce que soit votée en 1998, une loi-cadre relative à la lutte contre les exclusions et la pauvreté. S’ensuivront alors des conquêtes qui ont pour nom le RMI (3), la CMU (4), la loi SRU (5) et plus récemment le DALO (6).
En 1985, à Lyon, Bernard Devert crée « Habitat et Humanisme » (7). Avant de devenir prêtre, il est choqué par les réalités qu’il rencontre dans son métier de l’immobilier et prend conscience des injustices quand la rénovation des centres villes relègue les classes populaires dans les quartiers périphériques. Il assiste à des drames qui le révoltent et il ambitionne de réconcilier l'économique et le social, l'humain et l'urbain. En 2000, il crée aussi « La Pierre Angulaire », des maisons d’accueil et de soins pour personnes âgées à faibles ressources.
Il consacre son énergie à rapprocher ceux qui ont un toit et ceux qui n'en ont pas, avec une constante : la mixité sociale, qui ouvre les beaux quartiers aux démunis, fait cohabiter étudiants et personnes âgées, bien-portants et handicapés. Les logements qu’il propose aux plus pauvres sont financés par l’épargne solidaire. Il voit dans le mal-logement le syndrome des difficultés de notre société et il pense qu’il y a injustice si le vivre ensemble n’est pas perceptible. Il constate que « depuis le cri de l'abbé Pierre, la question du logement résiste, elle n’est toujours pas considérée comme une grande cause nationale. ». Il demande alors un engagement national pour la construction.
(1) - « Emmaüs » se donne pour but « d’agir pour que chaque homme, chaque société, chaque nation puisse vivre, s’affirmer et s’accomplir dans l’échange et le partage, ainsi que dans une égale dignité »
(2) - ATD Quart-Monde (ATD : Aide à Toute Détresse, aujourd’hui devenu : Agir Tous pour la Dignité, le terme Quart-Monde est un néologisme). Geneviève de Gaulle en fut la présidente de 1964 à 1998.
(3) - le RMI, Revenu minimum d’insertion, 1988 (devenu depuis le RSA, Revenu de solidarité active)
(4) - la CMU, Couverture maladie universelle, 1999
(5) - la loi SRU, loi relative à la Solidarité et au renouvellement urbain, 2000.
(6) - le DALO, Droit au logement opposable, 2007, fait de l’Etat le garant juridique de l’accès au logement.
(7) – le choix de ce nom rappelle celui d’ « Economie et Humanisme », créé à Lyon en 1946 par Louis-Joseph Lebret op.
Rédigé par Patrick Vincienne, laïc op
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