Evangile de Jésus Christ selon Saint Matthieu (5,20-26)
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus sur la
montagne, Il leur disait : Je vous le déclare : si votre justice ne surpasse
pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume
des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : tu ne commettras
pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : tout homme qui
se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu’un insulte
son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu’un maudit son frère, il
sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande
sur l’autel, si là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi,
laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton
frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Accorde-toi vite avec ton
adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire
ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je
te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.
Merveille
que cette immense fresque du discours sur la Montagne. Tout le reste de
l’Evangile en semble la mise en acte par Jésus, jusqu’à la croix et la
résurrection. C’est ce qu’il dit quelques versets avant : « Je ne
suis pas venu abolir, mais accomplir la Loi ».
Dépasser la justice des hommes ? Loi des hommes et Loi de Dieu ne sont pas du même
« ordre », dirait Pascal. L’une est une morale de l’équilibre social,
L’autre une mystique. Accomplir la Loi, c’est plonger dans l’océan du
projet de Dieu Lui-même, où tout est bonté sans mesure, où l’Espérance éclaire
tout, où l’hymne à l’Amour de 1Co13 se fait nécessité intérieure. On ne peut
entrer par obligation, mais par l’immersion d’une adhésion totale.
Dès
lors, nous prenons conscience de nos limites, les voyant dépassées par
l ‘action de Dieu Lui-même à travers nous. Notre méfiance change de
nature, ne s’adressant plus à ceux qui nous entourent, mais à notre propre
difficulté à lâcher nos entraves. Et ceux que nous jugions si facilement ne
peuvent plus être traînés devant une instance suprême, de quelque
« ordre » qu’elle soit, car nous savons que nous n’y paraîtrions pas
plus dignes. Il ne s’agit pas là d’une culpabilité morbide, mais d’humilité,
qui est au contraire d’une vraie dynamique capable de dissoudre toute
condamnation de l’autre ou de nous-même. Toute fraternité trouve sa source dans
ce regard transfiguré, où il faut tout lâcher, changer d’appui, accepter le
déséquilibre pour avancer avec ces frères « qui sont en chemin
avec nous », et nous deviennent consubstantiels, chair de notre
chair : peut-être regretterons-nous parfois leur difficulté à reconnaître
Dieu à l’œuvre dans leur vie, mais non plus leur nature humaine profonde,
dignité sacrée révélée en plénitude à nos yeux par la lumière de notre
Seigneur.
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