De toute évidence, Ce personnage lance un cri qui porte loin, un cri qui traverse l’espace et le temps, grâce à la puissance d’une parole de vérité qui résonne encore à nos oreilles 500 ans plus tard. Mais de qui s’agit-il et que nous dit-il donc ?
C’est Antonio de Montesinos, un prêtre dominicain qui prononça le 21 décembre 1511 sur l’île d’Hispaniola un sermon en faveur des droits des indiens. Nous ne connaissons son propos que par le récit des auditeurs qui en furent bouleversés pour les uns, scandalisés pour les autres, mais dont l’écho retentit encore aujourd’hui.
Son propos est en effet à l’origine de la reconnaissance des droits humains, aujourd’hui ratifiée par l’immense majorité des pays du monde.
Je suis la voix qui crie dans le désert de cette île et c'est pour cela qu'il faut que vous m'écoutiez avec attention. Cette voix est la plus neuve que vous ayez jamais entendue, la plus âpre et la plus dure. Cette voix vous dit que vous êtes tous en état de péché mortel ; dans le péché vous vivez et vous mourrez à cause de la cruauté et la tyrannie dont vous accablez cette race innocente.
Dites-moi, quel droit et quelle justice vous autorisent à maintenir les Indiens dans une aussi affreuse servitude ? Au nom de quelle autorité avez-vous engagé de telles détestables guerres contre ces peuples qui vivaient dans leurs terres d'une manière douce et pacifique, où un nombre considérable d'entre eux ont été détruits par vous et sont morts d'une manière encore jamais vue tant elle est atroce ? Comment les maintenez-vous opprimés et accablés, sans leur donner à manger, sans les soigner dans leurs maladies qui leur viennent de travaux excessifs dont vous les accablez et dont ils meurent ? Pour parler plus exactement, vous les tuez pour obtenir chaque jour un peu plus d'or.
Ne sont-ils pas des hommes ? Ne sont-ils pas des êtres humains ? N'ont-ils pas une âme, une raison ? Ne devez-vous pas les aimer comme vous-mêmes ?
Les paroles du religieux produisirent une énorme sensation. Tous restèrent abasourdis, beaucoup comme insensibles, d’autres plus endurcis, mais aucun convertis.
Les principales autorités résolurent d’aller surprendre le prédicateur pour le punir comme un homme scandaleux, semeur d’une doctrine nouvelle, jamais entendue, qui les condamne eux tous. L’Amiral et les Officiers royaux arrivèrent à la maison des religieux. Ils désiraient que le Père Montesinos se ravise de tout ce qu’il avait prêché, parce qu’il était préjudiciable aux voisins de l‘Ile et au Roi que la nouvelle doctrine ne leur permette pas d’asservir les indiens. Si l’auteur ne se rétractait pas ils chercheraient le plus mauvais moyen qui convienne pour le punir.
Après beaucoup de discussions et considérations, ils s’accordèrent sur le fait que Montesinos retournerait le dimanche suivant et travaillerait pour les satisfaire. Les dominicains accomplirent leur promesse. Le père Montesinos prêcha de nouveau le jour convenu. Mais, au lieu de se dédire du sermon antérieur, il le réaffirma et le ratifia, en s’appuyant sur des raisons et des idées nouvelles et en condamnant la tyrannie et l’oppression dont étaient victimes les aborigènes.
Pedro de Cordoba, un espagnol de 28 ans qui dirigeait la mission dominicaine de dix frères, arrivés depuis à peine un an, fut alors sommé par les autorités de leur livrer Antonio de Montesinos mais il refusa, affirmant qu'il avait exprimé le sentiment unanime de la communauté. En représailles, les dominicains se virent couper les vivres. Le premier bateau emporta une dénonciation auprès du roi d’Espagne, Ferdinand de Castille. Plus tard, celui-ci reçut Antonio de Montesinos et fut touché par le sort réservé aux Indiens. Il décida de réunir une assemblée de théologiens et de juristes dont le travail fut à l’origine de lois réduisant le travail forcé des indigènes, un modeste premier pas vers un nouveau statut pour les indiens.
Un propriétaire de la région qui se destine à la prêtrise, Bartolomeo de Las Casas, est bouleversé par le sermon de Montesinos et s'engage contre le système esclavagiste aux côtés de la communauté des dominicains de Saint-Domingue. Il se fera connaître peu à peu et sera nommé défenseur des indiens.
Le prochain colloque Justice et Paix, organisé les 17 et 18 décembre 2011 à Evry, fera mémoire du 500ème anniversaire de cet événement. Retenez cette date.
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